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Portrait #22

Jean-Baptiste COUDERC, viticulteur et éleveur de vaches Aubrac à CLAIRVAUX D’AVEYRON (12)

Bonjour Jean-Baptiste, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours ?

Bonjour. Je suis Jean-Baptiste, exploitant agricole au sein du GAEC de La Barthe de Bruéjouls, associé avec mon père. J’ai un diplôme d’ingénieur en agronomie depuis 2015 (Ecole de Purpan). A ma sortie de l’école, j’ai notamment été formateur à l’ADPSA12 (Association De Promotion Sociale Agricole) à Rodez, où je formais le public agricole en informatique. Ensuite, j’ai été technicien conseiller préconisateur sur le vignoble de Gaillac pendant 2 ans. C’est en mars 2020 que je m’installe alors sur la ferme familiale.

Ce choix est venu à moi pour plusieurs raisons. Alors que, plus jeune, je ne me sentais pas prédestiné à revenir sur la ferme, les expériences professionnelles que j’ai eues m’ont convaincu que ma place était dans une exploitation. Etre agriculteur, c’est avoir une vraie liberté dans le travail, que ce soit dans son organisation, dans la gestion de son temps ou dans les décisions d’entreprendre. Je ne retrouvais pas ces aspects-là dans un travail d’entreprise en tant que salarié. Travailler pour soi est le meilleur « leitmotiv » qu’on puisse avoir ! Le plaisir de travailler avec du « vivant », que ce soit animal ou végétal, a aussi beaucoup joué dans ma décision.

Pouvez-vous nous parler de votre exploitation ?

L’exploitation familiale date de mon grand-père qui a débuté en élevant des vaches laitières de race Brune. Dans les années 70-80, très impliqué dans la sélection génétique et grâce au développement de l’insémination, il a fait évoluer le cheptel pour obtenir un troupeau à forte valeur génétique. Mon père s’est installé dans les années 80, toujours dans cette optique de développement. Dans les années 2000, mes grands-parents ont pris leur retraite. En 2015, mon père décide d’arrêter l’activité bovin lait de la ferme. En effet, la filière laitière était en pleine crise et mes grands-parents n’étant plus actifs sur la ferme, l’astreinte quotidienne était trop importante. Historiquement, les exploitations reposaient sur un schéma familial, avec beaucoup de main d’œuvre « pas chère » disponible. Les enfants, les parents, les grands-parents voire les oncles mettaient la « main à la patte ». Aujourd’hui, cette aide étant inexistante et la valorisation n’ayant pas suivi, il devient compliqué de s’appuyer davantage sur un schéma de type « salariat ». C’est pourquoi la décision du changement d’activité a été prise. Mon père s’est alors orienté vers un troupeau de vaches allaitantes de race Aubrac, cette dernière ayant été choisie pour sa rusticité, ses facilités de vêlage et son moindre besoin d’interventions.

Nous avons à ce jour 55 mères avec l’objectif d’un veau par vache par an. La totalité du troupeau est en insémination. Nous gardons 10 génisses pour le renouvellement. Les vaches de réforme, au nombre de 10 aussi, sont engraissées pour faire de la viande de bœuf. Nous vendons une partie de cette viande en vente directe sous forme de colis avec notre marque « Ferme des Hauts-Rougiers ».

En ce qui concerne la vigne, cette activité a commencé dans les années 70-80, activité mineure par rapport à l’élevage à cette époque. Mon père et mon grand-père ont surtout développé cette activité dans les années 90, et ce grâce à l’octroi de l’appellation AOC Marcillac pour le vignoble. Petit à petit, de plantations en plantations, nous en sommes arrivés aujourd’hui à 9 hectares de vignes en production. Nous livrons depuis toujours les raisins à la cave coopérative des Vignerons du Vallon, qui transforme le raisin en vin et le commercialise. Notre objectif de production est d’atteindre le quota de 55 hectolitres par hectare permis par l’AOC ce qui représente environ 70 tonnes de raisin sur toute notre surface. Il faut aussi prendre en compte la qualité de vendange (quantité de sucre, aspect sanitaire) pour fournir à la cave un raisin qui fera la meilleure cuvée possible.

Quelles sont les qualités nécessaires pour faire votre travail, Jean-Baptiste ?

Pour être agriculteur, il faut avant tout être un travailleur dans l’âme. Comme on le disait tout à l’heure, le manque de valorisation de nos produits comme dans la filière laitière ne peut pas nous permettre d’avoir recours au salariat de manière récurrente. La « masse » de travail qu’il y a sur une ferme ne peut donc être qu’amortie par ses associés, qui ne comptent pas leurs heures. Il faut aussi avoir la casquette de gestionnaire d’entreprise. Toujours en lien avec cette question de valeur ajoutée et une hausse (voire une inflation) du coût des matières premières, nous ne pouvons plus nous permettre de gérer nos fermes comme nos aïeux avant nous où les prix d’engrais, de GNR, du fer, … ne bloquaient pas les investissements. Il faut toujours avoir un œil sur la comptabilité.

Dans notre contexte agricole complexe, je pense aussi qu’il est primordial d’arriver à se remettre en question. Ce sont, dans notre époque, les dynamiques environnementales et sociétales qui doivent guider nos choix. Nos pratiques et les produits que nous élaborons sont-ils ceux voulus par la société ? C’est cette question qui doit orienter nos décisions dans nos fermes. Et je pense que cette prise de recul est compliquée à avoir pour soi-même. Dans nos exploitations où cette « masse » de travail dont on parlait prend le dessus, il est difficile de sortir la tête du guidon pour prendre le temps de réfléchir à ces questions. Pour mon père et moi, cette dimension passe par le débat et la discussion. On échange sur notre vision de l’agriculture, sur ce que disent les médias sur nous, sur notre métier. Nous sommes attentifs au retour des clients sur la viande que nous leur vendons. Mais aussi sur les gens qui nous parlent du vin de Marcillac, l’image qu’ils en ont. Tout cela dans le but d’avoir une vision globale qui nous permettra de diriger nos choix de productions et d’investissements.

Quelles sont vos relations avec UNICOR ?

Je suis adhérent à la cave des Vignerons du Vallon et mon père participe à son comité de gestion. Nous sommes en relation avec Stéphane MAZENC, notre technico-commercial UNICOR et nous nous approvisionnons au Point-Vert de Saint-Christophe. Nous y prenons diverses fournitures comme les produits phytos, les semences ou les engrais. Nous nous rencontrons avec Stéphane quand nous souhaitons avoir des conseils sur la partie phytopharmaceutique notamment pour la vigne, les engrais et les semences pour la partie céréales ou encore l’aliment pour la partie élevage/engraissement. Aussi, Unicor nous accompagne en ce moment même pour une certification HVE (Haute Valeur Environnementale) de niveau 3 avec quelques autres vignerons de la cave coopérative.

Avez-vous des projets pour l’avenir ?

Nous avons lancé ce projet de vente directe de colis de viande que nous souhaitons développer. L’atelier bovin viande est un atelier à faible valorisation qui « pâtit » de ses ventes annexées sur des cours nationaux voire mondiaux. L’idée est donc de recréer de la valeur ajoutée en court-circuitant les intermédiaires pour retrouver un prix à la vente décent. Toujours dans ce but, nous réfléchissons à faire évoluer le mode de vente, vers, pourquoi pas, de la vente au détail afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs. En ce qui concerne la vigne, nous souhaitons poursuivre notre activité et nos relations avec la cave coopérative puisque nous en sommes satisfaits.

Un petit mot pour la fin ?

Je suis très sensible au changement climatique que nous allons vivre et que nous vivons déjà. Rien qu’à notre échelle, nous nous sentons très impactés par cette évolution du climat. Par exemple, les étés très secs et très chauds nous obligent à revoir l’affouragement du troupeau. Depuis deux ans, nous avons mis en place du pâturage tournant dynamique. D’une part, l’herbe en place sur les pâtures est mieux gérée, et d’autre part, cette technique doit assurer à la prairie des temps de régénération nécessaires au cycle biologique des plantes, plantes d’autant plus mises à mal par ce manque d’eau estival et cette chaleur. C’est la pérennité de nos espaces naturels qui est mis en cause dans ce combat contre le climat. Et l’agriculture a toute sa place pour participer à cette lutte. Grâce à nos cultures et prairies, nos forêts, nos haies, nous contribuons au stockage du carbone et sommes donc un levier important dans la maitrise de ce changement.

Nous remercions Jean-Baptiste de nous avoir accueilli et nous lui souhaitons une très bonne continuation !

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